Le Plomb et ses risques

Le plomb et ses risques pour un tireur

 

 

 

Préambule

L’intoxication au plomb ou saturnisme chez les utilisateurs d’armes à feu est un phénomène connu depuis de nombreuses années ; A titre personnel, je connaissais plusieurs personnes intoxiquées par ce métal lourd quand j’ai déposé ma thèse de docteur en médecine en 1984. Comme on le verra plus loin, le stand est loin d’être le seul lieu de contamination.

 

Origine du plomb

Celui-ci n’a que deux sources de provenance, le projectile et l’amorce ;

A) le projectile :

Jusqu’en 1884, il est exclusivement en plomb ; Ce n’est qu’en 1905, suite aux accords de La Haye que se généralisent les projectiles chemisés, improprement appelés « blindés » ; Leur généralisation, tant dans les armes de guerre que dans les carabines de chasse et relèguent les balles en plomb :

  1. aux calibres à basse vitesse réservés à l’entraînement et à l’initiation c'est-à-dire :
  1. les plombs de carabine et de pistolet à air en 4,5mm ;
  2. les cartouches de cal 5,5 à percussion annulaire (22 LR) ;
  3. les cartouches d’entraînement et de concours en arme de poing de « gros calibre ».
  1. aux armes anciennes où aucune substitution n’est possible.

B) L’amorce :

Celle-ci contient une micro-quantité (de l’ordre de 0,02 grammes) qui assure l’inflammation de la charge de poudre propulsive. La composition dite « fulminante » est à base de styphnate (trinitrorésorcinate) de plomb ou d’azoture de plomb. La quantité pré-citée est à comparer aux 10 grammes moyens du projectile lancé. Selon une source INRS, l’amorce peut contribuer jusqu’à hauteur de 20% de la pollution par le plomb lors du tir.

 

Les modes de libération du plomb

  1. Le contact direct manuel avec le projectile ;
  2. L’émission des résidus de combustion de l’amorce ;
  3. La vaporisation du plomb du projectile qui survient dans quatre phases :

Phase 1

Lors du tir, les gaz brûlants formés par la combustion de la poudre dépassent la température de fusion de ce métal (327,5 °C degrés) ; Il en résulte une vaporisation d’une certaine quantité dans l’air ambiant. Compte tenu de l’inertie thermique du plomb et de l’énergie mise en jeu, cette quantité est difficile à évaluer.

D’autre part, les amorces contiennent du plomb sous forme de styphnate, qui est émis lors de la percussion et persiste sous forme de micro-particules dans l’atmosphère ambiante en stand confiné non ventilé.

 

NB : Autant ce mécanisme peut être incriminé dans le tir aux armes « de gros calibre », autant il ne peut pas être mis en cause dans les armes en 4,5 ou 5,5 dans lesquelles la température requise n’est pas atteinte.

 

Phase 2

Lors de l’impact, que ce soit dans un piège à balles métallique ou un tas de sable, il s’ensuit la vaporisation d’une quantité qui là, est fonction de la vitesse résiduelle du projectile.

Phase 3

Lors des opérations de nettoyage du stand, une quantité non négligeable est relarguée dans l’atmosphère via les poussières. J’inclus dans cette phase toutes les opérations de récupération du plomb : le tamisage et surtout la fonte pour recyclage de tous les projectiles tirés. C’est une opération à haut risque sanitaire pour celui qui la pratique.

Phase 4

Un certain nombre de tireurs fabriquent eux-mêmes leurs projectiles en plomb fondu puis coulé à la fois pour des raisons d’économie, de précision et a fortiori de disponibilité pour les armes anciennes.

NB : pour exclure tout doute, nous avons fait intervenir le Bureau Veritas au Tir National de Versailles : l’examen par leurs soins du pas de tir 10 mètres utilisé par l’école de tir a constaté une présence de plomb dans la zone fréquentée par les tireurs égale au quart de la valeur légale limite (confer annexe en page 7). Il faut ici souligner que le saturnisme chez un enfant est une maladie à déclaration obligatoire. C’est une des rares dérogations au sacro-saint principe du secret professionnel prévu par la Constitution.

 

La prévention et les moyens de remédier à ce risque

A ce point, une grande distinction s’impose : la gestion du risque du pratiquant tireur sportif et celle du professionnel ou du bénévole encadrant soumis au risque par ses fonctions. 

C’est en effet dans la classe des professionnels et/ou des bénévoles que l’on rencontre la plupart des intoxiqués :

- Les moniteurs de tir, civils bénévoles et des forces armées (police, armée, douanes, etc…) qui passent leur temps de travail dans des stands fermés ;

- le personnel de nettoyage, salarié ou bénévole ;

- les armuriers ou tireurs qui fondent de grandes quantités de projectiles ;

- les récupérateurs de métaux, etc...

Pour les professionnels, deux mots s’imposent : information et formation. Pour eux, s’applique le code du travail avec ses droits ET ses devoirs. La fiche de poste avertissant le personnel des risques encourus et de la conduite à tenir pour y remédier est capitale (confer annexe page 4 ).

La FFT ainsi que les officiels utilisant des armes sont au courant du problème et travaillent sur chaque étape du mode de contamination pour réduire le risque.

 

Les moyens mis en œuvre

En décortiquant chaque étape, on peut considérablement diminuer la quantité de plomb susceptible d’être absorbé par l’organisme :

  1. Lavage des mains après toute manipulation, interdiction aux enfants de porter les doigts aux lèvres. On a du mal avec un adulte qui fume ou qui se ronge les ongles…
    le personnel doit utiliser des moyens de protection individuelle adaptés :
    Masque de protection avec filtre, Combinaison jetable,
     GantsLunettes, Sur-chaussures                                                                                                                                           
  2. Eviction autant que possible des amorces contenant des produits à base de plomb. Le progrès technologique abonde dans ce sens, mais les amorces « nontox » ne sont pas disponibles dans tous les types nécessaires.
  3. Interdiction pour les armes de gros calibre des projectiles offrant du plomb directement au contact de la flamme ; il existe des projectiles soit à chemisage postérieur soit à revêtement électrolytique intégral. Depuis une trentaine d’années existent des munitions d’entrainement respectant ce critère avec le précédent. Selon des mesures réalisées, les projectiles entièrement chemisés réduisent cette émission de 60 à 80% (source INRS). Notre président, dans le club qu’il dirige a imposé ces impératifs. Cet impératif technique n’a pas lieu d’être pour les armes à air comprimé, le calibre 5,5 où il n’est pas applicable faute de substitut. Pour les armes anciennes les quantités tirées minimisent grandement le phénomène.
  4. Mise en place de buttes en sable plutôt que de pièges à balles métalliques qui ont        tendance à fragmenter les projectiles. En utilisation intensive, il faut pouvoir humidifier les buttes en stand couvert afin de ne pas saturer les filtres d’extraction par des poussières de silice. Cette mesure n’est pas nécessaire en utilisation « loisir ».
  5. En stand fermé, mise en place d’une ventilation dont le flux doit éloigner les gaz et les poussières vers l’avant. Une vitesse d’écoulement d’air de 0,4 m/s autour du tireur, de l’arrière vers l’avant est recommandée, selon INRS.
  6. Nettoyage des locaux avec une serpillière humide ou un aspirateur muni d’un filtre pour limiter la dispersion. Les surfaces horizontales seront nettoyées avec des lingettes ou éponges humides pour les mêmes raisons. Le balayage à sec du sol est proscrit. L’utilisation d’un détergent séquestrant est indiquée. A ce propos, les sols en béton brut ou cimentés sont à éviter. Afin de faciliter le nettoyage il est souhaitable de les peindre.

 

Quant aux tireurs qui fondent eux même leurs balles, seule l’information sur les bonnes et mauvaises pratiques peut être faite ; sur ce point, l’Etat de Californie aux USA impose l’inscription d’un « warning » sur tout l’outillage nécessaire à cette activité ;  

 

En conclusion, le risque est faible en dehors de situations professionnelles prises en charge par les nécessités de la protection des travailleurs.

En respectant les prescriptions ci-dessus les bénévoles procédant au nettoyage sont également à l’abri.

Un effort reste à fournir vers les tireurs qui fondent leurs propres balles, qui sous estiment leur exposition au risque, notamment en coulant des projectiles dans des locaux confinés et/ou non ventilés.

 

Hervé Melet, Docteur en Médecine et membre du TNV, et alter, Septembre 2019